ÉTYMOLOGIE
ET GÉNÉRALITÉS
I.
Etymologie1.
- Voici une localité, située jadis en Bretagne et réunie
seulement depuis 1790 au département de la Vendée, dont
l'étymologie, contrairement à celle de ses voisines,
semble sauter aux yeux.
Saint-André-Treize-Voies
est, dira-t-on, un vieux bourg placé sous la protection de
l'Apôtre-martyr saint André, qui dut son surnom, dès
le Moyen-Age, aux treise voies ou
chemins qui passaient
sur son territoire et qui, peut-être même, partaient du
bourg.
Pourtant,
il n'en est rien ! Treize-Voies est
tout simplement une faute d'orthographe, officiellement acceptée
par le ministère de l'Intérieur et la carte de l'Etat-Major
depuis près d'un siècle.
C'est
en général dans la traduction latine que l'on trouve
l'étymologie des noms de lieux de l'ancienne France. Or tous
les actes concernant cette église sont formels: ecelesia
sancti Andreæ de XIII Vocibus, c'est-à-dire
Saint-André-Treize-Voix. Les vieilles chartes où il
est question de cette paroisse, tous les registres de l'état-civil
jusqu'à la Révolution, conservés au greffe du
tribunal civil de la Roche-sur-Yon, sont conformes à cette
interprétation; on écrit Saint-André
de Treize-Voix, Saint André-Treize-Voix. On
peut rencontrer, quoique très exceptionnellement, les mots
Treize-Voies, mais
on s'aperçoit aussitôt que ce n'est là qu'une
erreur de scribe due à la similitude de prononciation.
D'ailleurs,
en quoi Saint-André aurait-il mérité ce surnom
de Treize Voies, quand de nos jours, où tant de routes nouvelles
ont été construites, on serait bien en peine d'atteindre
ce nombre dans l'énumération des voies de
cette commune ? Au contraire, la tradition a conservé le motif
qui a fait donner à Saint-André le surnom de Treize
Voix, et cette tradition est
confirmée par plusieurs documents administratifs remontant
à l'ancienne monarchie.
Avant
la Révolution, il existait très fréquemment en
Bretagne, dont Saint-André faisait partie, - ne l'oublions
pas - des paroisses d'une grande étendue qui avaient une certaine
portion de leur territoire desservie par une chapelle de secours,
dont le prêtre exerçait toutes les fonctions de curé
ou de recteur, sans cependant en a voir le titre et la qualité.
Cette portion de paroisse, qui ressemblait assez, au point de vue
civil, à nos sections de commune, s'appelait la trève.
C'est ce qu'était jadis
Saint-André par rapport à Vieillevigne, dont elle était
la trève, ainsi que le constate l'abbé Grégoire
dans l'Etat du Diocèse de
Nantes en 1790 : "Ecclesia Sancti Andreæ de Trecedim
Vocibus... ancienne trève
de Vieillevigne2."
Mais
un jour, vers le XIIIe
siècle
sans doute, car au XIVe
Saint-André
a déjà le titre de paroisse, les habitants de la trève
de Saint-André, considérant leur territoire comme assez
important pour former une paroisse distincte de celle de Vieillevigne,
en demandèrent la séparation. Le projet n'alla pas sans
difficulté, puisque certains paroissiens, tout en reconnaissant
le bien-fondé de la demande faite par les habitants de la trève,
y firent cependant la plus grande opposition. Sur l'avis et l'approbation
de l'évêque et du seigneur, on décida de mettre
le projet aux voix dans une assemblée générale
des habitants, comme il s'en faisait à tout instant avant la
Révolution, et dans lesquelles la volonté populaire
se manifestait clairement. L'assemblée en question rendit un
verdict en faveur de la séparation : par treize voix
de majorité Saint-André
acquit son droit d'indépendance et cette paroisse fut dès
lors définitivement séparée de Vieillevigne.
Pour commémorer cet événement si important, on
convint que Saint-André serait désormais distinguée
des autres paroisses du même nom par le qualificatif de Treize
Voix.
Néanmoins,
si à la suite de cet événement, Saint-André
devint paroisse, elle n'en conserva pas moins, en quelques circonstances,
une certaine liaison avec sa voisine C'est ce que semblent confirmer
plusieurs documents de l'administration civile. Ainsi, lors des réformations
de la noblesse bretonne en 1427, les commissaires chargés de
reconnaître les nobles et non nobles sont nommés par
les deux paroisses, qui auraient dû, dans une situation normale,
former des communautés distinctes. Pour la désignation
des délégués chargés d'élire les
députés du Tiers-Etat et d'apporter le cahier des doléances
de la paroisse aux Etats de Bretagne et plus tard aux Etats Généraux,
on procède de la même manière: il n'y aura qu'une
seule assemblée générale comprenant les députés
des deux paroisses, il n'y aura qu'un seul cahier. Aux Archives nationales
nous avons longtemps cherché, mais en vain, le nom de la paroisse
de Saint-André dans le dossier des Etats Généraux
de 1789 et nous avons fini par trouver simplement la mention des députés
élus pour l'assemblée provinciale de Vieillevigne
et sa trève, parmi lesquels
se trouvaient plusieurs paroissiens de Saint-André. Malgré
les treize voix qui avaient séparé cette paroisse, elle
n'avait pu se dégager complètement, tout au moins au
point de vue civil, de tous les liens de dépendance de son
ancien chef-lieu.
Par
ces explications, on comprendra assurément que l'on commet
une erreur véritable en écrivant aujourd'hui Saint-André-Treize-Voies,
de même qu'on se trompe
aussi pour le chef lieu du canton lorsqu'on écrit Rocheservière
au lieu de la Rochecervière,
Une initiative privée, en attendant un arrêté
officiel, devrait donc rectifier l'orthographe inexacte généralement
employée depuis un siècle. Il semblait tout indiqué
que ce premier essai dût venir de l'historien qui commence la
chronique de cette intéressante localité3.
Nous n'osons pourtant le faire. On nous a fait observer que la chose
paraîtrait étrange à tous, que ce ne serait qu'une
"sotte originalité" ; nous nous résignons
donc à écrire Saint-André- Treize-Voies,
mais en proclamant encore une
fois bien haut que l'orthographe véritable est Saint-André-Treize-Voix.
II.
Territoire. - Séparée
au nord de la Loire-Inférieure et de Vieillevigne, à
l'est de Boufféré et de l'Herbergement, au sud de Saint-Sulpice
par des limites conventionnelles et enfin de Mormaison par la rivière
de l'Izereau, la commune de Saint-André-Treize-Voies comprend
une superficie de mille huit cent quatre-vingt-quinze hectares qui
se répartissent en terres labourables, prés, bois, vignes,
propriétés bâties et diverses; les parties occupées
en landes diminuent de plus en plus.
Le
sol est à fond granitique recouvert d'une épaisse couche
de terres lourdes, mais bonnes pour les céréales.
L'Ognon
ou l'Oignon est
la seule rivière traversant cette commune sur toute son étendue
et passant au bas du bourg. Il convient encore de citer l'lzereau
qui doit son nom au plus important
village de la commune.
Saint-André
est un vaste plateau faisant suite à ceux des communes voisines
et dont le point culminant, le Moulin des Landes, est coté
à soixante-quatre mètres d'altitude.
Les
vieux chemins, qui étaient bien loin d'atteindre le nombre
treize, comme pourrait le prétendre l'étymologiste qui
ne s'occuperait que de l'orthographe contemporaine, ont fait place
à des routes carrossables et très bien entretenues qui
relient les bourgs et les villages entre eux. Ce sont :
1°
la route de l'Herbergement à Vieillevigne qui passe par le
Petit-Saint-André ;
2°
la route de Montaigu à Mormaison qui traverse le bourg ;
3°
la route de Saint-André à Saint-Sulpice ;
4°
la route de Saint-André à la Grolle ;
5°
la route allant de Pomméragu à la route de Vieillevigne-I'Herbergement,
par le village des Landes ;
6°
la route partant de la Chaignaie à la Rouaudière par
Izereau.
Plusieurs
autres chemins sont encore à l'état de projet.
Saint-André
n'a pas de station de chemin de fer, la gare la plus rapprochée
est celle de l'Herbergement située à cinq kilomètres
du bourg.
III.
Population. - La population
de cette commune, de même que celle des environs a peu varié,
excepté pendant les années qui ont suivi la Révolution.
D'après
un procès-verbal de visite d'un archidiacre, en 1682, il existait
à Saint-André sept cents communiants.
A
la fin du XVIIIe
siècle,
d'après le Dictionnaire Ogée, ce
nombre se serait élevé à presque neuf cents,
ce qui portait le chiffre total de la population à 1500 habitants.
Le nombre de 1500 communiants donné par l'abbé Grégoire
en 1790 est évidemment inexact.
Puis
arrive bientôt la période révolutionnaire, et
avec elle la guerre, les colonnes infernales tuant tout sur leur passage.
Un recensement de la population fait aussitôt après la
prise de Charette et la pacification vient donner des indications
très précises Nous l'extrayons du tableau certifié
par les administrateurs municipaux du canton de Rocheservière,
le 8 frimaire an V (28 novembre 1796 Archives de la Vendée
L.275). Voici les chiffres que
nous y lisons :
Hommes
mariés ou veufs 140
Femmes
mariées ou veuves 176
Garçons
de tout âge 284
Filles
de tout âge 270
------
Au
total 870 habitants.
Défenseurs
de ma patrie (République) morts ou vivants 0
Boeufs
172
Vaches
297
Veaux
et génisses 188
Chevaux
11
Moutons
200
Cochons
41
------
Au
total 909 animaux.
Bêtes
et gens ont diminué d'un tiers, et bien des années après,
on se ressent encore de la Révolution qui a si cruellement
décimé le pays.
Depuis,
voici le mouvement de la population à diverses époques
:
En
1820 - 1083 habitants.
-
1850 – 1151 -
-
1876 - 1210 -
-
1901 - 1195 -
-
1906 - 1144 - (dernier recensement)
Si
le nombre total des habitants de la commune tend à diminuer,
la population agglomérée dans le bourg a, par contre,
un mouvement toujours croissant. De soixante habitants en 1820, elle
s'élève à soixante-seize en 1850 et elle atteint
aujourd'hui le chiffre de cent deux.
IV.
Commerce et industrie, -
La population étant essentiellement agricole, il n'y a pas
d'industrie proprement dite. On doit signaler cependant de nombreux
moulins à vent, tels que ceux des Landes et de l'Andossière.
Le commerce consiste dans le strict nécessaire à la
vie usuelle des habitants.
V.
Moeurs, coutumes. -
Nous n'ajouterons rien à ce que nous avons déjà
dit en faisant la description générale du canton. A
Saint-André.. les convictions religieuses ont de profondes
racines dans les âmes et on a conservé les habitudes
chrétiennes des ancêtres. La parole du prêtre qui
parle en chaire est écoutée avec respect et le moindre
avis est répété à ceux qui ne l'auraient
pas entendu.
Dans
cette population probe et honnête on ne voit pas les désordres
et les scandales que l'on trouve en d'autres contrées Tout
au plus pourrait-on reprocher à beaucoup de gens l'amour de
la chopine ou du petit
verre. Il y a d'ailleurs, en certaines années, des vignes qui
produisent une liqueur si excellente qu'il est bien difficile de la
dédaigner.
Quand
un candidat quelconque vient solliciter les votes des électeurs
on ne manque pas de s'informer s'il a laissé de l'argent pour
payer à boire et, s'il l'a fait, il devient tout de suite populaire.
Les
fêtes et les réjouissances du pays consistent surtout
dans les noces qui réunissent parfois une foule considérable.
Il y en a où l'on rencontre jusqu'à quatre ou cinq cents
convives.
VI.
Principaux villages. -
Le plus important est Izereau ou Ysereau, situé à l'extrémité
sud-ouest du territoire de la commune. Sa population était
de cent vingt-quatre habitants en 1820 et de cent trente-sept en 1850
; elle n'était plus que de cent cinq au recensement de 1906.
Parmi
les autres villages, citons les Ahaies, la Barbotière, la Bernardière,
la Courolière, le Genetais, les Moulins des Landes, la Pinière,
Pomméragu, etc.
VII.
Curiosités. -
Les monuments celtiques sont très rares dans le canton de Rocheservière
et dans les cantons voisins. Des quelques groupes que l'on signale
dans ces parages, le plus considérable sans contredit est celui
de Saint-André-Treize-Voies, situé à un kilomètre
du clocher et qui a donné son nom aux métairies de la
Grande et de la Petite Roche.
On
comptait jadis trois petits menhirs qui ont été renversés
et en partie détruits; ils s'élevaient aux abords du
ruisseau et de deux sources qui ne tarissaient jamais. Le menhir du
champ dit de la Pierre, dépendant
de la Petite-Roche, est le seul debout.
Il
est en quartzite d'un beau grain et mesure un mètre quinze
d'épaisseur, deux mètres de largeur et deux mètres
soixante quinze de hauteur au-dessus du sol. Sa hauteur est toutefois
beaucoup plus considérable, car il est enfoncé de plus
de deux mètres en terre, comme le prouve une fouille faite,
il y a près de cinquante ans, par un chercheur d'or et... d'illusion.
On voit par cette description qui a déjà été
faite dans l'Annuaire de la Société d'Emulation
de la Vendée (1872) que
ce monument est l'un des plus intéressants de notre contrée
et que la Commission historique et archéologique départementale
devrait prendre des mesures pour en assurer la conservation. II y
a cinq ans à peine, les métayers trouvant que cette
pierre, située au milieu de leurs champs, entravait leurs labours,
résolurent de s'en débarrasser. Huit boeufs furent attelés
et malgré les plus grands efforts le menhir, autour duquel
on
avait
enlevé la terre à plus de deux mètres de profondeur,
ne bougea pas. Mais, dans une autre entreprise possible, on pourrait
peut-être user des explosifs et, cette fois, le précieux
vestige de l'âge préhistorique, attrait du voyageur et
de l'archéologue, disparaîtrait définitivement.
Avec
le menhir de la Roche disparaîtrait également une curieuse
légende. Ce monolithe a le privilège, assure-t-on, de
virer au son de l'Angélus
et de danser autour du Champ
de la Pierre dans la nuit du Mardi-Gras.
A
suivre ...... Histoire
militaire